Episode 6 : Retour dans le service de pédiatrie...   

 

6 mai 1997...

 

Jérémie quitte enfin le service de réanimation pour rejoindre le service pédiatrique : ouf !

Pour moi, ça veut dire entre autres que nous allons pouvoir à nouveau être ensemble tout le temps : quel bonheur !

Il faut dire que pour l'instant je travaille à temps partiel, quelques heures par semaine seulement, chez un petit artisan pour lequel je fais des travaux administratifs et comptables, et que je peux choisir mes horaires. Je peux donc me permettre de rester en permanence avec Jérémie, de jour comme de nuit. Philippe me relaie juste une journée le week-end afin que je puisse assumer mes quelques heures de travail... 

On m'a proposé de loger au foyer Ozanam, situé près du CHU, et réservé aux familles ayant un proche hospitalisé sur Angers. Mais je préfère rester avec Jérémie qui a une chambre individuelle, dans laquelle j'ai un lit. C'est vraiment très important pour moi ce lien permanent avec mon petit bonhomme. Vous l'aurez compris, notre relation est fusionnelle...
 

Après l'opération, Jérémie a perdu l'usage de la parole, de sa jambe et de sa main droite. La parole est revenue assez rapidement, et je ne peux vous décrire notre joie en l'entendant à nouveau prononcer des mots ! C'était magique ! Les premiers mots de sa nouvelle vie, et de la nôtre aussi... Avoir retrouvé l'usage de la parole sonne comme une première victoire... Je croise les doigts pour que ce ne soit pas la dernière...

Jérémie vit assez bien tout ça pour l'instant. C'est un petit garçon combattant, volontaire et courageux. Ce n'est pas moi qui le dis... C'est ce que disent les médecins et le personnel de l'hôpital... Enfin si, moi aussi je le dis ! Evidemment, je suis très fière de lui ! 

A l'hôpital, la vie s'écoule entre soins, repas, siestes, jeux et promenades dans le couloir en tenant Jérémie par les mains, puisqu'il ne peut plus marcher tout seul... Ce couloir avec ses dessins sur les murs, on en connaît le moindre centimètre carré par coeur... 

train

 

Jérémie a toujours la tête bandée : ça fait vraiment bizarre de le voir comme ça... Mais ce qui fait le plus bizarre, c'est son visage, avec ses deux parties asymétriques : la partie de gauche avec un oeil et une bouche rieurs, et la partie de droite figée, sans expression, avec l'oeil fixe à la pupille dilatée, et la bouche comme paralysée. On dirait que son visage est coupé en deux ! C'est assez déstabilisant...

Le temps s'écoule toujours aussi lentement. Les journées sont longues, même si on reçoit régulièrement de la visite... Je me demande surtout quand on va pouvoir sortir : j'ai tellement hâte de rentrer à la maison avec mon fils ! ... Mais il n'y a pas de date de sortie annoncée... 

pluieJe regarde souvent au dehors par la fenêtre de la chambre, en enviant terriblement ceux que je vois aller et venir à l'extérieur. Je me dis qu'ils ont de la chance, et qu'ils ne s'en rendent sans doute même pas compte. Comme moi, avant...

Il pleut : ah, qu'est ce que je donnerais pour pouvoir être dehors sous la pluie avec Jérémie... Je me promets de ne plus jamais me plaindre de la pluie et du mauvais temps, après, si j'arrive à repartir d'ici avec mon fils...

A ce moment là, je sais déjà que, si on sort d'ici tous les trois ensemble pour rentrer à la maison, je ne verrais plus jamais les choses de la même façon qu'avant...

 

Tant que nous sommes ici à l'hôpital, pour moi il y a toujours un "si"... Je me dis que rien n'est joué, que rien n'est gagné, que rien n'est acquis. Et s'il se passait quelque chose, un problème, une complication ?

Je pense aussi à l'I.R.M. de contrôle que Jérémie va avoir dans quelques temps, et je me souviens de ce qu'a dit le neurochirurgien : "pour que Jérémie soit guéri, il faut que tout soit enlevé...". Alors, et si... 

 


Le drame...

 

Je regarde Jérémie et soudain, je vois un liquide s'écouler le long de sa joue gauche. Ça provient de dessous le bandage. Mon sang ne fait qu'un tour, j'alerte tout de suite les infirmières. Branlebas de combat : il s'agit d'une fuite de liquide céphalo-rachidien, qui s'écoule de la plaie. Jérémie doit subir une ponction lombaire, afin que ce liquide soit analysé. En contact avec l'extérieur, le liquide peut avoir été contaminé par une bactérie : il y a donc un risque d'infection, et ici précisément un risque de méningite. Jérémie doit retourner en réanimation. 

Coup dur...

Pour moi, c'est le drame. Le mot "méningite" me fait terriblement peur... Et cette fois-ci ce n'est pas "ma" crainte, mais la crainte des médecins. Une crainte qui est donc belle et bien fondée. Il y a véritablement de quoi être inquiet.

Je suis autorisée à aller auprès de Jérémie en réanimation... J'ai peur...

Il est tard. Très tard. Soudain, la responsable du service de réanimation me convoque. Mais, que se passe-t-il donc ? Sans grand ménagement, elle m'annonce que Jérémie a une méningite, et qu'il faut attendre 48 heures pour voir si Jérémie va y survivre ou pas...

... "Vous voulez que j'appelle votre mari pour le prévenir ? me demande-t-elle ? Je refuse... Je ne veux pas réveiller Philippe pour l'affoler... Moi je ne suis pas affolée : je suis anéantie, catastrophée. C'est un cauchemar... 

Je retourne auprès de Jérémie, sans arriver à croire ce que je viens d'entendre. Tout cela me semble impossible. Jérémie est là, et pour moi il ne peut qu'être là encore dans 48 heures... Il ne peut en être autrement. Je le refuse... 

Je ne sais plus à quelle heure je suis retournée dans le service pédiatrie. Je suis décomposée... Les infirmières m'attendent.. Elles sont surprises que je ne sois pas revenue plus tôt. Je les informe... Elles écarquillent grands les yeux et sont en colère : elles me disent que Jérémie a été placé en réanimation pour surveillance, dans l'éventualité d'une méningite, mais qu'il n'a pas de méningite ! Elles sont outrées de l'attitude de la responsable du service de réanimation, et me promettent d'en parler dès le lendemain matin au professeur responsable du service pédiatrique. J'ai su par la suite que, mécontent qu'on inquiète ainsi inutilement les parents, le professeur a été personnellement dire quelques mots à la responsable du service réanimation... 

Je ne sais plus quand Jérémie a réintégré le service pédiatrie. 

Je me souviens juste des semaines qui se sont ajoutées les unes aux autres...

Je me souviens aussi d'un épisode, sans toutefois réussir à le replacer dans l'ordre chronologique : était-ce avant ou après que Jérémie ne revienne en service pédiatrique ??? Toujours est-il qu'on est venu nous annoncer que, pour résorber ce problème de fuite de liquide céphalo-rachidien, une dérivation est nécessaire. La date de l'intervention chirurgicale est même déjà fixée. Je suis affolée ! Une dérivation : jamais encore je n'avais entendu parler de cela. Et puis je suis effrayée à l'idée d'une nouvelle opération. On nous explique qu'il s'agit d'une intervention simple qui consiste à installer un dispositif permettant l'évacuation de l'excès de liquide céphalo-rachidien.

A peine vient-on de nous annoncer cela que le neurochirurgien arrive. Il est surpris de mon état de panique. Lorsque je lui pose des questions sur l'opération, il ne comprend pas : "mais quelle opération ?". Je lui explique. Il n'est pas content : pour lui, il n'a jamais été question que Jérémie ait une dérivation, car il lui semble évident que la fuite de liquide va se résorber naturellement. Il nous explique tout cela en nous montrant une radio de Jérémie, et nous demande de n'écouter que lui à l'avenir... Message reçu, c'est ce que nous ferons. 

 

Puis je me souviens de la bonne nouvelle qui est enfin arrivée : Jérémie va pouvoir rentrer à la maison. C'est la plus merveilleuse des nouvelles que j'ai entendues depuis longtemps. Je suis sur un petit nuage.

 

soleil

 
27 mai 1997...

 

Ce jour tant espéré est enfin là : aujourd'hui, nous quittons l'hôpital. Nous rentrons à la maison, tous les trois ensemble... 

Ça fait 5 semaines que Jérémie n'a pas respiré l'air de dehors. C'est du pur bonheur de repartir d'ici avec lui... Je n'ai pas ressenti autant de joie depuis longtemps. 

 

 

 

                                                                                                    A suivre...

Commentaires   
Caroline T.
# Caroline T. 19-09-2017 09:19
5 semaines....que c'était long!! et que dire d'entendre en plus des nouvelles fausses et alarmantes! J'imagine aisément l'état dans lequel tu devais te trouver....
Le 27 mai, date à marquer d'une pierre blanche. :-)
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sylvie
# sylvie 19-09-2017 12:46
Oui c'est long 5 semaines à l'hôpital, surtout quand au départ on ne sait pas pour combien de temps on y est...
Le 27 mai était un jour de fête cette année là, oui, et doublement car c'est aussi le jour de l'anniversaire de ma soeur. Mais par la suite il est moins resté dans mes souvenirs que le 22 avril (le jour où on a appris la terrible nouvelle), et tu ne vas pas tarder à comprendre pourquoi...
Ce 22 avril qui nous a marqués est aussi le jour de l'anniversaire d'un ami très proche. Un ami qui nous a quittés l'année dernière, à la suite d'une tumeur au cerveau cancéreuse...
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Catégorie : RETOUR DANS LE PASSE

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