- Publication : 8 octobre 2014
Episode 5 : L'opération...
1er mai 1997...
Nous sommes à la veille de l'opération. Le grand stress commence... Un stress qui dépasse encore celui qu'on connait maintenant depuis le terrible verdict du pédiatre...
A partir du moment où il y a anesthésie, une opération fait généralement toujours peur... Mais là, il s'agit de notre enfant, qui n'a même pas 2 ans, et d'une opération dans son cerveau : c'est effrayant !
Ainsi qu'on nous a prévenus, en cette veille d'opération, Jérémie est transféré dans un autre bâtiment, dans le service des adultes... Ici, pas de jolis dessins sur les murs, pas de mobiles suspendus au plafond, pas de salle de jeux... Tout pour se dire que les enfants ne devraient pas être ici, qu'ils ne devraient pas être atteints par ce genre de maladie...
Au moment du repas, nous recevons la visite du chirurgien qui va opérer Jérémie. Avec patience et bienveillance, il nous explique ce qui va se passer avant, pendant, et après l'opération.
La tumeur est normalement bénigne (une analyse aura lieu en cours d'opération pour le vérifier) aussi, pour que Jérémie soit guéri, il faut absolument qu'elle soit enlevée en totalité. S'il en reste la moindre partie, même infime, elle grossira à nouveau...
Afin d'ôter totalement la tumeur, le neurochirurgien va être amené à toucher des zones qui commandent le côté moteur de Jérémie : nous savons qu'il aura des séquelles importantes à ce niveau là, mais qu'il n'aura pas de séquelles intellectuelles... Un soulagement pour nous...
La tumeur se trouvant dans l'hémisphère gauche du cerveau, c'est le côté droit qui va être touché : dans un premier temps, Jérémie sera entièrement paralysé au niveau du visage, du bras et de la jambe, sans aucune certitude ensuite sur ses possibilités de récupération, comprises entre 0 et 100 %... Il semblerait toutefois que, dans ce genre de cas, la récupération soit meilleure pour le membre inférieur que le membre supérieur, mais vous rendez-vous compte ? Entre 0 et 100 % ! La marge est énorme !!!!!!!!!!!!! Dans l'immédiat cependant, je ne m'attache même pas trop à ce "détail" car ce qui m'importe, c'est juste qu'on me rende mon fils vivant demain...
La zone touchée est également celle où se trouve le langage. Nous savons donc également que Jérémie va perdre la parole, mais normalement pas de façon définitive. En effet, étant donné qu'il a moins de 2 ans, son cerveau n'a pas encore fini son développement et la probalité est forte qu'il "bascule" le langage dans l'hémisphère droite. Je n'arrive même pas à imaginer qu'il en soit autrement...
Ce soir, je vois donc mon enfant qui parle (en plus, c'est une véritable pipelette...), qui marche et qui utilise ses deux mains, alors j'ai bien du mal à m'imaginer que demain ce ne sera plus le cas... C'est véritablement affolant ! Mais nous n'avons pas le choix...
L'opération aura donc lieu demain matin de bonne heure, dès 8h, car la priorité est donnée aux enfants, avec une équipe au grand complet pour assister le chirurgien. Cela est censé me rassurer...
2 mai 1997...
... Nous y sommes.
Comment vous dire ? Comment mettre des mots là où il n'y en a pas qui conviennent ? Il me coûte de me replonger dans les douloureux souvenirs de cette journée... Et de façon générale dans tous les souvenirs de cette période à l'hôpital...
De cette journée je me souviens de mon petit bonhomne que l'on m'enlève... Lui très courageux, moi beaucoup moins... Je lutte... Je suis anéantie par cette séparation ô combien cruelle et difficile... Là maintenant, je ne peux plus rien contrôler, je ne peux plus être avec lui, lui parler, le rassurer, lui faire des bisous : je dois m'en remettre et faire confiance à tous ces gens...
Je me souviens de la boule au ventre, des battements de mon coeur qui s'accélèrent, de l'angoisse...
Je me souviens de l'attente. L'attente interminable. L'attente qui n'en finit jamais. Le temps semble s'être arrêté et pourtant, je sais bien que la terre continue à tourner... Au départ, nous attendons dans la salle d'attente, jusqu'à ce qu'on vienne nous conseiller de quitter l'hôpital et de prendre l'air. Oui je sais, attendre là dans cette salle d'attente ça ne va rien changer, ça ne va pas faire passer le temps plus vite. Mais au moins on est sur place, on sera informé s'il se passe quelque chose... Parce que oui, évidemment, on a la crainte qu'il se passe quelque chose... Nous quittons donc la salle d'attente et essayons d'aller nous promener le long de la Loire. Mais comment arriver à faire une promenade sereinement au bord de la Loire en sachant qu'on est en train de toucher au cerveau de notre enfant ?
Je me souviens que finalement nous sommes retournés dans la salle d'attente...
Je me souviens que les heures se sont lentement ajoutées les unes aux autres, et que ça a duré toute la journée.
Je me souviens que je me suis demandée comment les chirurgiens faisaient pour réussir à opérer ainsi pendant des heures...
Je me souviens que j'avais terriblement peur qu'il arrive quelque chose à Jérémie...
Je me souviens que l'opération a duré 8 heures ! Je me souviens qu'on est enfin venu nous dire que c'était terminé, que tout allait bien, et que le chirurgien allait venir nous voir.
Je me souviens de l'indescriptible soulagement que j'ai ressenti à ce moment là, à la pensée que mon fils était vivant...
Je me souviens du neurochirurgien qui est venu à notre rencontre, qui nous a dit que tout s'était bien passé, que la tumeur était presque grosse comme une orange, qu'elle était effectivement bénigne, et qu'il pensait avoir tout enlevé.
Je me souviens qu'ensuite nous avons pu voir Jérémie en service de réanimation. Je me souviens de tout l'équipement spécifique qu'il fallait que l'on mette : les chaussons, la charlotte, le masque...
Je me souviens de la tête de mon petit bonhomne entourée de bandages, du bruit des machines reliées à lui.
Je me souviens que c'était dur... Très dur... Je me souviens que je ne pouvais pas rester avec lui la nuit...
Par contre, je ne me souviens plus combien de temps a duré son hospitalisation dans ce service de réanimation. Le carnet de santé se souvient pour moi : "Hospitalisation en réa pédiatrique CHU Angers du 2 au 6/05/97 pour surveillance post opératoire après exérèse neurochirurgicale d'une tumeur bénigne temporale gauche. Evolution immédiate favorable".
A suivre...
Je vous félicite,laisse r son enfant se faire opérer sans le voir et devoir se préparer a une éventuelle mauvaise nouvelle est très dur,il faut du courage.
Pour l'opération, de toutes façons on a pas eu le choix, il a bien fallu s'en remettre au chirurgien... Tous les parents sont dans la même situation, quelles que soient les opérations. Ce qui est sûr par contre c'est qu'il y a des opérations plus graves les unes que les autres...
Bisous
Effectivement ça n'a pas été facile de revivre cette période, comme à chaque fois où je me la suis remémorée... Mais je tenais à faire ce blog pour toutes les personnes qui peuvent en avoir besoin, car j'aurais bien aimé avoir un témoignage comme ça sur le moment...
Mais en fait je me rends compte que d'avoir écrit tout ça, d'avoir mis des mots sur toutes ces blessures, ça a été comme une thérapie pour moi, et si sur le moment ça été très dur, maintenant je le vis mieux, je suis plus sereine.
Déjà d'en parler ainsi des années après, avec le recul et sachant que l'histoire s'est bien finie, c'était plus facile que de le faire sur le moment, où là je n'aurais sûrement pas pu...
En tout cas pour toi c'est incroyable que tes gars aient ainsi pu sortir en même temps que toi. C'est une belle histoire, qui je suis sûre a créé des liens encore plus forts avec tes enfants !
Bisous à toi aussi.
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